Définition
L'entomologie légale permet de déterminer où, quand et comment un crime a été commis. C'est l'application médico-légale de l'étude des insectes et des autres arthropodes.
Cette spécialité peut être divisée en trois sous parties : entomologie urbaine, médico-légale et expérimentale (étude du rôle des insectes dans la décomposition des cadavres dans des centres spécialisés)
L'entomologie médico-légale est chargée d'utiliser les insectes comme preuves dans l'intérêt de la loi, souvent dans des cas d'homicides ou de morts suspectes.
Pour démasquer certains criminels, on étudie les insectes qui envahissent les cadavres. Ceux-ci agissent selon une chronologie bien définie : ils indiquent le déroulement de l'action et l'heure de la mort. L'entomologie médico-légale ou forensique, est la technique d'étude des insectes qui va permettre de dater la mort d'un sujet à un jour près, par mois d'ancienneté du cadavre. L'entomologie médico-légale, dont la première application connue en France remonte à 1850, consiste à étudier l'ordre d'arrivée et le stade de développement des espèces d'insectes retrouvées sur le cadavre.
Principes
L'organisme humain, une fois mort, constitue une énorme réserve en nutriments pour les bactéries ainsi que pour les insectes. Les cellules du corps n'étant plus protégées par le système immunitaire, sont alors la proie d'insectes nécrophages voraces. Ces derniers vont se servir du corps de l'individu décédé, afin de se nourrir, ou de nourrir leurs progénitures.
Quelques minutes après la mort de l'organisme, il se produit des réactions d'autolyse qui sont des transformations fermentatives (qui s'observent sans l'action de bactéries ou d'agents étrangers à l'organisme). Les substrats produits lors de ces réactions dégagent des odeurs spécifiques (pas forcément perceptibles par l'Homme), attirant ainsi les premiers insectes qui vont pondre leurs œufs dans les orifices naturels (sphincters, pores de la peau) et dans les blessures. La ponte se fait le plus souvent de jour et ne survient habituellement pas en dessous de 4 °C. L'apparition des larves peut se faire en moins d'un quart d'heure après la ponte.
Au cours du temps, l'altération du cadavre se traduit par le dégagement d'odeurs, spécifiques à une période donnée. En effet, à mesure que la décomposition progresse, les réactions d'autolyse changent, ainsi que les substrats produits et donc les odeurs dégagées. Ces nouvelles odeurs vont repousser les femelles attirées par les premières odeurs. D'autres femelles viennent ensuite, sélectivement, coloniser le cadavre, et constituent des escouades. L'insecte est attiré sélectivement par ce qui lui convient et il évite le reste.
Méthode
1ère escouade : Les premiers insectes sont les Calliphoridae ou mouche à viande et les Muscidae ou mouches domestiques communes. Ces insectes arrivent directement après la mort, avant qu'il y ait d'odeur de décomposition. Ils arrivent parfois même juste avant la mort, à l'agonie. D'un bleu sombre brillant, leurs larves aspirent les liquides produits par la transformation des tissus organiques.
2ème escouade : Les mouches Sarcophagidae, striées de noir et de blanc, attirées par l'odeur de la mort, arrivent dès que le corps dégage les odeurs cadavériques, aux alentours de trois mois après la mort. Elles pondent des larves qui réduisent les tissus en bouillie.
3ème escouade : Les coléoptères Dermestidae surviennent lors du rancissement des graisses car il y a libération des acides gras volatiles, qui attirent les insectes de cette catégorie.
4ème escouade : Les mouches Piophilidae ou mouches du fromage, d'un noir luisant, apparaissent lors de la fermentation de la caséine entre quatre et huit mois.
5ème escouade : Un dégagement d'ammoniac donne ensuite le signal de la cinquième vague : les coléoptères, dont Histeridae.
6ème escouade : Une fois les fermentations arrêtées, surviennent les acariens, arachnides microscopiques qui nettoient les dernières humeurs du cadavre, entre six et douze mois après le décès.
7ème escouade : Les coléoptères et les lépidoptères de la septième vague interviennent lorsque le cadavre est complètement desséché, entre un et trois ans. Les coléoptères raclent les ligaments et les tendons du cadavre.
8ème escouade : Les coléoptères Tenebrionidae, un scarabée, et Ptinidae interviennent trois ans après la mort et éliminent tous les restes des escouades précédentes (pupes, excréments, insectes morts).
Détermination des espèces par l'entomologue
Pour déterminer à quelle espèce appartiennent les insectes recueillis, l'entomologiste commence par examiner les détails des minuscules pièces buccales et des orifices respiratoires situés à l'extrémité de l'abdomen. Ces organes sont difficiles à prélever et donnent peu de résultats exploitables sur les jeunes larves. C'est pourquoi on laisse, si possible, quelques larves se développer en laboratoire, dans des conditions contrôlées, car les mouches adultes sont plus faciles à identifier.
Certaines mouches vertes peuvent appartenir à des familles différentes, que l'on distingue par la présence de sillons sur le thorax, la forme de nervures des ailes, la couleur de l'attache de celle-ci. Sur une mouche, un poil supplémentaire peut traduire une différence d'âge d'une vingtaine d'heures. Enfin, quand on dispose de suffisamment de temps, on peut identifier l'espèce en analysant son matériel génétique.
Pour qu'une espèce nécrophage puisse se développer de l'œuf à l'insecte parfait, il lui faut une somme de température spécifique à l'espèce. Cette somme est calculée en additionnant les moyennes de température par jour, moins l'indice également spécifique à l'espèce. Lorsque la somme est atteinte, elle correspond au jour de ponte de l'espèce.
Le travail de datation du décès est une tâche fastidieuse. Le problème de dater l'instant à partir duquel commence la mort ne se résout pas à l'aide d'une méthode miracle. La résolution de ce problème est l'œuvre de la concordance entre plusieurs résultats apportés par des méthodes de datation distinctes.
Ces méthodes font à la fois appel à l'examen du corps en lui-même mais aussi à la constatation de l'action de la faune sur celui-ci.
Seule la mise en commun des dates apportées par les différents types de datation permet une datation des plus précises. Cette datation et sa précision dépendent de deux facteurs qui sont le temps et le lieu de séjour du corps.
Cependant, toujours dans le cadre d'une enquête judiciaire, ce travail de datation n'est parfois pas un travail suffisant. Il est nécessaire quelquefois de réaliser au préalable une identification pour pouvoir replacer la victime dans le cadre de l'enquête, (c'est-à-dire ne pas s'appuyer sur des preuves fausses pour juger un homme), ce qui s'avère très souvent difficile.
En effet, le corps est parfois dans un état de difformité assez important (gonflé d'eau dans le cadre d'un noyé, ou dans un état de décomposition extrême) qui rend ce travail d'identification souvent difficile. La datation n'est alors d'aucune utilité si la victime n'est pas identifiée.
Ce problème de l'identification est un problème qui va de pair totalement avec la datation, et c'est un sujet qu'il faudrait traiter afin de parfaire les connaissances apportées par cet exposé.
Limites et contraintes
Cependant, la datation des cadavres par l'observation des insectes présents sur un cadavre a des limites. En effet, beaucoup de paramètres jouent sur la vitesse et le temps d'arrivée et de développement des insectes sur le corps. La région et sa zone géographique, le type de localité (ville ou campagne), le type d'emplacement (intérieur/extérieur), les données climatiques et météorologiques, les conditions de stockage du corps, l'état du corps, ainsi que le volume du corps sont autant de paramètres qui ont une influence considérable sur le développement des insectes.
Lecture pour passionnés ou curieux.
Traité d'entomologie forensique -Les insectes sur la scène de crime par Daniel Cherix - Claude Wyss
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Premiers pas dans l'entomologie forensique . Historique : Avant le XXe siècle - Au XXe siècle en Europe, aux USA et au Canada - Références. Bases de l'entomologie : Introduction - Apparition de la vie - Classification des Hexapodes - Facteurs de réussite des insectes - Développement des insectes - Pièces buccales et régimes alimentaires - Mimétisme - Références. Les insectes nécrophages : Introduction - Les Diptères - généralités - Les myiases - Les Diptères nécrophages - Les Coléoptères - généralités - Les Coléoptères nécrophages - Références. Intervalle post-mortem : Importance de l'intervalle post-mortem (IPM) - Détermination de l'intervalle post-mortem - Séquence des événements - Déplacement du cadavre - Drogues et autres substances illicites - Calcul du cycle des premiers insectes - Jour de ponte ou intervalle post-mortem? - Références. Expériences sur le terrain : Expériences avec des cochons domestiques - Validité des escouades selon Mégnin - Distribution de phénologie des Diptères Calliphoridae - Synthèse des expériences sur le terrain - Références. Exemples d'enquêtes : Deux cadavres dans une forêt - Cadavre dans un appartement - Cadavre dans la nature - Cadavre dans un gouffre - Cadavres dans le neige - Cadavres au printemps - Cadavre démembré et disséminé - Cadavre d'un nouveau-né - Vieux cadavres - Cadavres immergés e exhumés - Synthèse des expertises de 1993 à 2005 - Références. Éléments pratiques : Récolte du matériel entomologique - Prélèvements à l'intérieur (appartement, local cave) - Prélèvements à l'extérieur - Au laboratoire - Préparation des insectes - Niveaux thermiques - Rapport d'expertise - Clés d'identification - Références. Annexes : Rapport médico-légal de Bergeret - Applications entomologiques en médecine légale par Johnston & Villeneuve, 1897 - La faune des tombeaux par P. Mégnin - Extraits des Souvenirs entomologiques : La mouche bleue de la viande - la ponte - La mouche bleue de la viande - le ver. Index.